Monsieur le premier ministre,
Depuis 102 jours, la cité de Bunagana et plusieurs autres localités du territoire de Rutshuru au Nord Kivu sont sous occupation des miliciens du M23 qui y commettent toute sorte d’abus contre les populations locales. Un peu plus au Nord, les ADF et des CODECO poursuivent avec intensité la vague de massacres de grande ampleur ciblant des civils en territoire de Beni au Nord Kivu et dans une partie de la province de l’Ituri. Pire encore, les citoyens qui se plaignent pacifiquement de la persistance de l’insécurité sont systématiquement réprimés par les services de sécurité Congolais. Le dernier cas en date est celui de ce 22 Septembre 2022 à Rutshuru centre où un déplacé a été abattu par un policier alors qu’il prenait part à un sit in pacifique devant le bureau du territoire de Rutshuru afin d’exhorter l’armée Congolaise à libérer son village de Kabanda des mains du M23.
Monsieur le premier ministre,
En écartant le gouverneur militaire du Nord Kivu de la conduite des opérations militaires dans la province, vous avez comme nous pris acte du fait que l’état de siège a détourné l’armée de ses responsabilités régaliennes et transformé les officiers militaires en vigiles politiques. Mais paradoxalement, vous vous obstinez à maintenir en vigueur ce régime spécial qui peine à endiguer, maintient le Nord Kivu et l’Ituri dans une gouvernance anarchique et qui légitime la répression des defenseurs des droits de l’Homme. Pire encore, vous avez également ouvert nos frontières aux armées étrangères, y compris celles des Etats qui nous agressent depuis plusieurs années. Mlagré nos incessants appels, vous vous obstinez à maintenir en place une MONUSCO qui n’assure pas la protection des civils malgré les moyens colossaux, le mandat robuste et le soutien diplomatique dont elle bénéficie.
La LUCHA constate avec regret que la situation sécuritaire se dégrade du jour au lendemain à l’Est de la République Démocratique du Congo sans que les autorités Congolaises et leur partenaire de la MONSUCO ne s’en inquiètent et mettent en œuvre des actions adéquates pour endiguer la violence armée. Nous sommes également préoccupées par la restriction croissante de l’espace civique ainsi que la gouvernance par la terreur et la prédation instaurée dans les provinces sous état de siège. Nous vous appelons à sortir du mutisme en prenant de manière urgente les mesures suivantes pour protéger les civils, récupérer les territoires conquis par les assaillants, contenir les violences armées :
1. Mettre immédiatement un terme à l’état de siège et à toute opération militaire d’une armée étrangère en court sur le sol Congolais. En revanche, il faudrait lancer des opérations militaires fortes en écartant les officiers, militaires et unités de l’armée soupçonnées de collision avec les groupes armés et doter l’armée des moyens financiers, logistiques et militaires conséquents pour venir à bout des différentes milices qui insécurisent le pays ;
2. Exige le retrait immédiat de la MONUSCO qui s’est avéré inefficaces au fil des années et pour son remplacement, requérir du Conseil de Sécurité de des nations unies le renforcement de la Brigade d’Intervention en troupes ainsi qu’en moyens logistiques, avec un commandement autonome à l’égard de la MONUSCO, des règles d’engagement plus souples, des objectifs plus clairement énoncés et assortis d’un chronogramme fixe ;
3. Mettre en œuvre de toute urgence le Programme de Démobilisation, Désarmement, Réinsertion Communautaire et Stabilisation (PDDRCS) et lui doter d’un cadre légal et opérationnel plus approprié ainsi que d’un leadership consensuel et crédible en remplacement de l’ex-chef rebelle pro-Rwanda et pro-balkanisation, Tommy Tambwe ;
4. Saisir les Nations-Unies en vue de la création urgente d’un tribunal pénal international pour la RDC ou tout autre mécanisme judiciaire équivalent pour juger les principaux auteurs Congolais et étrangers des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis sur le sol Congolais depuis 1990 jusqu’à ce jour, assurer à toutes les victimes le droit à la vérité, aux compensations, aux réparations, à la mémoire et aux garanties de non-répétition ;
5. Faire de la réforme de nos forces de défense et de sécurité une priorité nationale absolue et tout mettre en œuvre tous les moyens légaux, politiques et financiers nécessaires pour avoir des forces de sécurité puissantes, véritablement professionnelles et apolitiques, capables de défendre notre territoire, ses citoyens et nos intérêts vitaux contre toute menace intérieure ou extérieure. Nous re proposons la réduction immédiate d’au moins 30% des budgets de fonctionnement et de personnel politique des institutions de la République et l’allocation des ressources économisées à nos forces armées dans le cadre du récent projet de loi de programmation militaire ;
6. Libérer les opposants politiques et les activistes de la société civile arrêtées en raison de leurs opinions critiques vis-à-vis de la gouvernance du pays et veiller à ce que le processus politique devant aboutir aux élections générales de 2023 soit ponctuel, transparent, démocratique et inclusif pour ne pas générer des nouveaux foyers des conflits.