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Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI) est une organisation de droit congolais à mandat régional œuvrant pour la promotion de la paix et la protection des défenseurs des droits humains. Dans le cadre de sa mission, chaque mois, PPI publie un feuillet de monitoring considéré comme un thermomètre de la situation des droits des défenseurs des droits humains (DDH) et des journalistes en République Démocratique du Congo.

Au cours du mois de janvier 2022, PPI a documenté «Trente-sept (37) nouveaux cas des violations des droits des défenseurs des droits humains, des journalistes et des médias en République Démocratique du Congo ».

Ces différentes violations assorties, malheureusement, de cinq (5) cas d’assassinats sont entre autres, pour la province du Nord-Kivu, deux (2) assassinats dont un militant du mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA) assassiné lors d’une manifestation à Beni et un artiste engagé kidnappé puis retrouvé mort dans la ville de Goma, une (1) journaliste dont le domicile a été attaqué à Butembo et un (1) autre enlevé dans la ville de Goma, un (1) DDH sous menaces de mort à Beni pour avoir fait des dénonciations, douze (12) militants de la LUCHA arrêtés à Butembo et un (1) autre à Oïcha et enfin deux (2) rassemblements d’activistes dispersés à Beni et à Goma. Dans la province de Mongala, la police, sous ordre du gouverneur de province, a exigé l’interruption brusque d’émission de la Radio Mwana Mboka à Lisala. En Equateur, le gouvernement provincial, sous la houlette du gouverneur contesté Dieudonné Bobo, a prolongé jusqu’à nouvel ordre la durée de fermeture de la Radio-Télé Sarah de Mbandaka, fermée depuis novembre 2021. 

Dans la province de Tshopo, une journaliste arrêtée et tabassée par la police pendant qu’elle réalisait un reportage à Isangi et à Kisangani, un (1) défenseur des droits de l’homme menacé de mort par les autorités militaires. 

En Ituri, un (1) journaliste en plein reportage à Bunia arrêté par les militaires. Dans la province de Haut-Katanga, un (1) activiste des droits de l’homme environnemental poursuivi en justice par une entreprise du président honoraire de la RDC, Joseph Kabila, pour avoir dénoncé la spoliation des étendues protégées dans le Parc national de Kundelungu par cette entreprise.

In fine, dans la province du Sud-Kivu, trois (3) assassinats enregistrés dont un militant du collectif Amka Congo tué dans la ville de Bukavu, une journaliste de la Radio-Télé Vision Shala achevée par son mari à  Kamituga et une activiste des droits humains fusillée par son époux, un capitaine au sein des Forces armées de la RDC, à Minova. 

Toujours au Sud-Kivu, un (1) DDH sous hautes menaces dans la Plaine de la Ruzizi à Uvira, un (1) autre agressé dans la ville de Bukavu, deux (2) militants arrêtés au parquet du tribunal de grande instance de Bukavu, cinq (5) autre poursuivis pour avoir initié une pétition de désaveu social et politique contre le président du sénat congolais et un (1) autre blessé dans une attaque à son domicile en pleine nuit.

Pour une meilleure lecture et compréhension, ci-dessous une description succincte du déroulement des faits évoqués :

I. Violations et abus contre les journalistes et médias

1. Violation contre les journalistes

a. Meurtre de la journaliste Charline Kitoko à Kamituga au Sud-Kivu : Charline Kitoko Safi, 21 ans, journaliste à Vision Shala Radio et Télévision station de Kamituga, en territoire de Mwenga dans la province du Sud-Kivu, est décédée le 05 janvier 2022 de suite des coups lui administrés par son mari dans leur maison conjugale. Le 03 janvier 2022, Charline rentrait d’une fête d’échange des vœux organisée par sa station à Kamituga. Arrivé à son domicile, son mari a sauté sur elle, l’enfermant dans leur maison et s’est mis à la battre jusqu’à en mourir deux jours plus tard. Le mari a été immédiatement arrêté par les services de sécurité. Charline était mère d’un enfant de deux ans de naissance. Plusieurs ONG de défense des droits humains au Sud-Kivu dont PPI ont demandé un procès en audience publique et foraine au lieu du crime. Cette audience est prévue à partir du 08 février 2022 et pourrait s’étendre sur une semaine.

b.   Enlèvement du journaliste Samuel Sirasi à Goma : Journaliste à la Radio La Voix de l’Université Officielle de Semuliki de Beni en province du Nord-Kivu et correspondant de la Radio-Télévision Victoire Horizon (RTVH) de la ville de Beni, Samuel Muhindo Sirasi a été portée disparu le mardi 04 janvier 2022, dans la ville de Goma. Sirasi va  être  enlevé  pendant qu’il  séjournait dans  la  ville  volcanique  dans  le  cadre  de  ses  activités académiques en tant qu’assistant d’enseignement à l’Institut Supérieur de Commerce de Goma. Sans trace et sans nouvelle, Samuel Sirasi a été « ramassé » vivant dans la ville de Goma quatre jours plus tard, soit le 08 janvier 2022, dans un état de santé inquiétant.

c. Arrestation de la journaliste Justine Lifimbo à Isangi, Tshopo : Journaliste à la Radio Télé Bondeko Isangi (RTBI) dans la province de la Tshopo, Justine Lifimbo a été arrêtée et tabassée par des éléments de la Police Nationale Congolaise (PNC) dans la matinée de jeudi 20 janvier 2022, pendant qu’elle couvrait la manifestation de la société civile du territoire d’Isango qui marchait contre l’administrateur de ce territoire. Après être tabassée, Justine a été placée de force au cachot de la PNC. Elle n’a été libérée que tard dans la soirée après l’implication de la Fédération des Radios de Proximité du Congo (FRPC) et ses 26 réseaux provinciaux.

d.   Agression du journaliste Nickson Manzeleke à Bunia : Journaliste à la Radio-Télévision Mont Bleu (RTMB) émettant à Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, Nickson Manzeleke a été agressé par des militaires le 18 janvier 2022, pendant qu’il menait un rapportage sur une opération de bouclage de motos sans plaques d’immatriculation dans la ville de Bunia. Quelques minutes après la réalisation d’une interview sur cette opération de bouclage, Nickson a vu surgir deux militaires qui l’ont giflé avant de lui confisquer son matériel, son porte-monnaie et ses pièces d’identité. Visiblement, depuis l’instauration de l’état de siège en mai 2021, quand la gestion administrative de la province et toutes ses entités a été confiée aux autorités militaires dans le but d’un retour définitif de la paix et de la sécurité, les droits de l’Homme et ceux des DDH et journalistes en particuliers sont bafoués bien plus qu’avant.

e. Attaque du domicile de la journaliste Julienne Muhima à Butembo : La nuit du 26 janvier 2022, vers 1h du matin, le domicile de Julienne Muhima Imani, journaliste à la Radio de l’Université de Graben, a été visité par trois hommes munis d’armes blanches. L’incursion a eu lieu sur avenue des Martyrs non loin du sous commissariat de la police communale de  Kimemi à Butembo dans la province du Nord-Kivu. Les assaillants ont cassé la porte d’entrée et ont pu faire leur entrée dans la maison. Après une série d’intimidations faites aux enfants de qui ils voulaient savoir où seraient la journaliste et son mari, ils ont tenté de forcer la porte de la chambre des parents. Eveillé, le mari de Julienne a réussi à ravir la machette à l’un des bandits et l’a blessé avec à la main. Désemparés, les malfrats ont pris fuite et n’ont ni blessé personne, ni emporté quelque chose de la maison.

2. Violation contre les médias

a. Interruption des émissions de la radio Mwana Mboka à Lisala, Mongala : Le 05 janvier 2022, les émissions de la radio Mwana Mboka émettant à Lisala en province de Mongala ont été brusquement interrompues par le colonel Antoine Masirika, commissaire provincial intérimaire de la Police Nationale Congolaise de Mongala, après un ordre verbal de Monsieur Serge Mungulu, gouverneur de province. La radio Mwana Mboka a vu débarqué à sa station le commissaire provinciale a.i de la PNC qui a ordonné l’interruption de l’émission « Question d’actualité », une émission qui débattait sur l’apport de la population de Lisala, chef- lieu de la province de Mongala, dans la construction des canalisations d’eau, vu l’inaction des autorités publiques. Cet officier supérieur de la PNC qui s’est mis à séquestrer les journalistes présents à la station, a accusé la radio de régulièrement diffuser des émissions à caractère politique « en violation » d’une décision d’interdiction du ministre provincial de l’intérieur.

b.   Fermeture prolongée de la radio-télé Sarah à Mbandaka : Le 14 janvier 2022, le gouvernement provincial de l’Equateur a pris la décision de prolonger jusqu’à nouvel ordre la fermeture de la Radio-Télévision Sarah émettant dans la ville de Mbandaka, chef-lieu de la province. Pour rappel, cette radio a été initialement fermée le 15 novembre 2021, pour une durée de 60 jours. Les autorités provinciales l’avaient accusé de diffuser des « émissions incendiaires » et de mener une campagne hostile contre l’actuel Gouverneur de province, Monsieur Dieudonné Bobo Boloko Bolumbu.

 La suspension devait donc prendre fin le 15 janvier 2022. A la question de savoir pourquoi avoir prolongé la suspension de la fermeture, les autorités provinciales, dans le compte rendu de la réunion du conseil des ministres contenant cette décision, mentionnent que c’est par le fait de « l’accalmie observée dans la province depuis la cessation des émissions de la radio Sarah ». A l’instar de Journaliste En Danger (JED), PPI dénonce cette mesure abusive et illégale dont le mobile inavoué est de réduire définitivement au silence une radio trop critique à l’égard des autorités en place. PPI souligne également que le Gouverneur Bobo Boloko de la province de l’Equateur est très hostile au travail des DDH et journalistes.

Depuis le 18 novembre 2021, il a ordonné l’arrestation de 4 activistes des droits humains dont Camille Mohangi ; Juvenal Eale ; Ndjoli Aponga et Joseph Bayoko et un journaliste (Chilassy Bufumbo) qui croupissent en prison jusqu’à présent. Leur péché est d’avoir initié et participé, en novembre 2021, à la marche dénonçant la « cacophonie » qui règne en Equateur et qui est entretenue par  le gouverneur Dieudonné Boloko Bolumbu dont la réhabilitation à la tête de la province par la cour constitutionnelle continue de susciter des contestations énormes (voir feuillet n°037, de novembre 2021).

II. Violations et abus contre les DDH

1. Assassinat de Madame Anne-Marie Buhoro à Minova : Activistes des droits humains et de la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre, Madame Anne-Marie Buhoroa été abattue à coups de balles par son propre mari la nuit du 28 janvier 2022, à 21h30, au quartier Bigilimani dans le groupement de Buzi en territoire de Kalehe dans la province du Sud-Kivu.

Engagée pour la cause de la femme, Anne-Marie était la fondatrice de l’Initiative des Personnes Vulnérables et des Femmes en Action pour le Développement Intégral (IPVFADI)  pour  laquelle  elle  a  noué  des  partenariats  avec  plusieurs  organisations  nationales  et internationales. Agée de 43 ans, elle a aussi été pionnière dans la lutte contre les violences sexuelles avec la Fondation Panzi du Prix Nobel de la Paix Dr Denis Mukwege qui, dans un communiqué, a regretté et condamné la disparition de sa collaboratrice pour qui il a aussi demandé justice. Son mari, du nom de Jérémie Saleh Bin Saleh, un capitaine au sein des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, lui aurait logé quatre balles en plein abdomen. Le motif de ce crime n’est pas encore connu.

2. Poursuites judiciaires contre Maître Timothée Mbuya en province du Haut-Katanga : Maître Timothée Mbuya, président de l’asbl JUSTICIA et activiste des droits humains  environnementaux, est poursuivi en justice par le Tribunal de Paix de Lumbumbashi/Kamalondo à travers une citation directe dans laquelle il est accusé de diffamation. Ces accusations sont faites par la société Ferme Espoir Sarl, dont le propriétaire est Joseph  Kabila  Kabange,  président  honoraire  de  la  République  Démocratique  du  Congo.  Elles  sont consécutives au rapport de monitoring effectué par l’asbl JUSTICIA l’année dernière et dans lequel l’asbl démontre que des étendues des Parcs Nationaux d’Upemba et de Kundelungu en province du Haut-Katanga seraient spoliées au profit des concessions privées et en l’occurrence la société Ferme Espoir (dans le Kundelungu) et la société Kipay Investiment (dans l’Upemba). Après ces révélations, l’asbl a été sommée de faire un démenti endéans 7 jours faute de quoi, Monsieur Timothée Mbuya, l’un des responsables, se verra poursuivi en justice. Ainsi, 7 jours plus tard, la société de Joseph Kabiaa a introduit une citation directe contre Timothée et la première audience a été prévue au 10 janvier 2022. Le 06 janvier 2022, plus de 189 ONG des droits de l’homme et environnementaux ont signé un appel urgent dénonçant l’instrumentalisation de la justice contre la personne de Maître Timothée Mbuya.

3. Menaces et intimidations à l’encontre de Dismas Kitenge à Tshopo: Président du Groupe Lotus, une organisation de défense des droits humains affiliée à la FIDH et basée à Kisangani, en RD Congo, Dismas Kitenge a fait l’objet des menaces, intimidations, injures et autres actes de dénigrement répétés au cours du mois de janvier 2022. Ce DDH est en train de recevoir des messages de menace de numéros téléphoniques inconnus et de personnes bien identifiées.

Le 11 janvier 2022, l’auditeur militaire supérieur de la province de Tshopo lui a proféré des injures et des menaces directes et l’a dénigré devant ses collègues. C’était au cours d’une réception que l’avocat général militaire et l’auditeur militaire supérieur de la province de Tshopo ont accordée à une délégation du Groupe Lotus pour discuter de menaces reçues par Dismas Kittenge ainsi que du dossier en instruction contre le Dr Eric Jakwonga Upoki de Cliniques Universitaires de Kisangani (« arrêtés injustement » après le décès d’un militaire de l’unité dite garde républicaine).

L’auditeur supérieur militaire a qualifié Kitenge de « menteur, minable, ridicule, agitateur, profiteur, manipulateur » et l’a accusé de mépriser la justice congolaise et d’être responsable des appels à la discréditer. Il l’a également averti qu’il devrait être prêt à payer le prix de tous les « désordres » occasionnés par ses prises de position. Dismas va donc recevoir cette série de menaces après sa publication au cours de la deuxième semaine de janvier 2022, dans les réseaux sociaux, des messages dénonçant l’arrestation par la justice militaire le 7 janvier 2022 du Dr Eric Jakwonga Upoki, les intimidations des militaires dans les environs des cliniques universitaires de Kisangani ainsi que l’arrestation de Jean de Dieu Bosunga Nyama, Directeur a.i de la Régie des Voies Aériennes de Kisangani par l’Agence Nationale des Renseignements (ANR).

Dans ces messages, Dismas Kitenge appelait également à la mobilisation sociale et à l’organisation d’actions de protestation pacifiques pour la libération de ces deux hommes et alertait sur le danger de la non-application des règles d’un État de droit dans la province de Tshopo. Cette série de menaces vient compléter la liste des menaces reçues précédemment. 

En effet, en septembre 2020, Dismas Kitenge et sa famille ont été menacés de mort via des appels anonymes en raison de ses prises de position de contre les autorités et personnalités publiques de RDC.


4.Menaces de mort à l’encontre d’André Byadunia : Coordonnateur Provincial de la Nouvelle Société Civile Congolaise, NSCC Sud-Kivu, et basé à Uvira, André Byadunia Mashaka vit sous menaces graves depuis le début de l’année 2022, suite aux multiples dénonciations des violations des droits humains et l’activisme des groupes armés dans le territoire d’Uvira en particulier et la Plaine de la Ruzizi en général.

Des dénonciations faites dans les médias aussi bien locaux qu’internationaux et dans les réseaux sociaux. Il serait plus recherché par les rebelles tant étrangers (Burundais particulièrement) que nationaux qui sont très actifs dans la zone. Il est à noter que la Plaine de Ruzizi est une zone réputée « rouge » vu les multiples cas de cambriolage, embuscade, enlèvement et assassinat y enregistrés régulièrement. Elle est aussi le champ de bataille où les rebelles Burundais, les milices Congolaises et autres groupes armés s’affrontent et affrontent l’armée loyaliste. Ici, le risque est grand pour les activistes des droits de l’Homme.

5. Menaces contre Moïse Kipitulu à Beni : Président de la nouvelle société civile du territoire de Beni et

Coordonnateur de l’Union pour la Défense des Droits Humains (UCDD) à Beni dans la province du  Nord- Kivu, Moïse Kipitulu vit actuellement en clandestinité et c’est depuis plusieurs jours suite aux menaces des morts lui proférées par des personnes inconnues. Le jeudi 20 janvier 2022, Kipitulu s’est échappé des mains des hommes armés vêtus en tenue militaire et civile qui ont fait irruption à son domicile à Vuhovi dans la chefferie des Bashu, territoire de Beni, vers 11 heures en pleine journée.

Même si ses bourreaux ne lui reprochent rien ouvertement, Moise Kipitulu est l’un des activistes qui disent tout haut le mal qui ronge sa communauté. L’an passé, vu les tueries à répétition en territoire de Beni malgré l’état de siège supposé mettre fin à cette insécurité ambiante, Kipitula a déclaré : « La population risquera de dire que l’arsenal militaire est dans la région de Beni pour sécuriser les ADF [rebelles Ougandais qui sévissent dans cette zone] et non les civils de Mbau, Oïcha, Mangina et Kinyambahore dans le secteur Ruwenzori où les ADF ont tué 8 civils ».

Dieu seul sait ce que cela lui coûterait. Et pourtant, DDH, député aussi bien provincial que national, mouvements citoyen, tout le monde souligne que l’état de siège n’est pas venu apporter la solution au problème d’insécurité dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri où il est décrété depuis mai 2021 par Felix Tshisekedi Tshilombo, Président de la République Démocratique du Congo.

6. Agression à l’encontre de Maître Papy Kajabika à Bukavu : Célèbre défenseur des droits humains en RD Congo en général et dans la province du Sud-Kivu en particulier, Papy Kajabika a été victime d’une agression par des personnes non identifiées, le matin du jeudi 20 janvier 2022, entre 08h05 et 08h15, pendant qu’il se rendait à l’Université Officielle de Bukavu pour y assurer les enseignements. A moins d’1Km de l’Université, Kajabika a été intercepté par 8 garçons en tenue ordinaire. Menacé par les un de sortir de la voiture et par les autres de rebrousser chemin, ne se reprochant rien, Papy a résolu descendre pour s’enquérir de la situation croyant qu’il s’agissait des étudiants qui voulaient collecter de l’argent sur la route pour des fins purement sociales  « comme  d’habitude ». Malheureusement et  à  sa  grande  surprise, le  téléphone  et l’ordinateur vont lui être violemment ravis par une équipe pendant que l’autre menaçait de brûler le véhicule. Par bonne chance, Papy Kajabika va se retrouver dans le véhicule et rebrousser chemin miraculeusement. Ne comprenant rien de ces agissements cruels, Kajabika a déposé une plainte contre inconnu au Procureur Général près la cour d’appel du Sud-Kivu à Bukavu.

III. Violences contre les militants pro-démocratie et artistes engagés

1. Assassinat du militant Ushindi à Beni : Ushindi Mumbere Dorake dit Dodo, militant du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA) a été assassiné par balle le lundi 24 janvier 2022, à Beni, par un élément de la Police Nationale Congolaise (PNC), pendant qu’il manifestait avec ses camarades pour exiger la fin de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri où l’insécurité ne fait qu’accroître malgré la gestion des entités par des militaires depuis mai 2021, quand le Président de la République, Felix Tshisekedi, a décrété cet état de siège dans les deux provinces. Mortellement blessé, Ushindi Mumbere, 22 ans, est décédé à l’hôpital quelques heures après et devient le 3ème militant de la LUCHA assassiné dans la même zone et dans les mêmes circonstances depuis l’avènement du régime du président Felix Tshisekedi en 2019.

Ainsi, le 2ème militant tué c’est Freddy Kambale (le 21 mai 2020) et le policier subalterne condamné à la suite de cet assassinat était « libéré » lors de l’évasion de la prison de Kangwayi du 20 Octobre 2021. Le colonel François Kabeya qui avait donné l’ordre de tirer n’a jamais été inquiété et a, au contraire, été élevé au rang de maire de la ville Goma quand l’état de siège a commencé; et le premier militant assassiné fut Obadi Muhindo tué le 23 novembre 2019 et dont l’assassin et les commanditaires n’ont toujours pas été inquiétés. A ce tableau sombre s’ajoute le militant La Fontaine Katsaruhande qui s’est vu amputé de sa jambe le 10 Septembre 2021 après qu’un policier lui avait tiré une balle lors d’une manifestation pacifique.

2. Assassinat du militant Shukuru Michael à Bukavu : Militant du collectif des mouvements citoyens et organisations des jeunes « Amka Congo » et assistant d’enseignement à l’Université Libre des Pays de Grands Lacs, ULPGL-Bukavu, Shukuru Kalihira Michael, a été retrouvé mort étranglé et abandonné dans un caniveau sur avenue Route d’Uvira, quartier Ndendere, dans la ville de Bukavu, le samedi 15 janvier 2022. Les circonstances de ce tragique assassinat n’ont pas été connues et jusque-là, aucune enquête n’a donné de lumière là-dessus. Notons que l’assassinat de Shukuru Michael est intervenu une semaine après l’attaque du domicile de son camarade Omar Abedi, le 08 janvier 2022, dans la même ville. Des événements qui se produisent une semaine après arrestation et détention arbitraire au cachot du parquet général de Bukavu de 2 autres militants du même collectif pour avoir initié une pétition contre le président du sénat congolais (voir le point n°6 ci-dessous).

3. Assassinat de l’artiste Kagheni Séraphin à Goma : L’artiste engagé Kagheni Séraphin alias Black S Balume a été retrouvé mort le dimanche 16 janvier 2022, après qu’il a été enlevé le vendredi 14 janvier 2022, dans la ville de Goma en province du Nord-Kivu. Son corps a été ramassé en train de flotter sur les eaux du lac Kivu au niveau du quartier Kyeshero. Bien avant les nouvelles sur sa mort, ses camarades avaient alerté les services sécuritaires pour sauver l’artiste de mains de ses ravisseurs. Black S Balume était aussi étudiant en troisième année de graduat à l’Institut Supérieur de Commerce, ISC Goma. En 2019, Balume a publié son premier single intitulé « Le Congo » à travers lequel il peint un tableau sombre de la souffrance du peuple Congolais en général et des massacres perpétrés à Beni en particulier.

4. Attaque au domicile du militant Omar Abedi à Bukavu: La nuit du 08 janvier 2022, Monsieur Omar Abedi Soda, de la Dynamique des Jeunes Leaders Acquis au Changement et membre du collectif Amka Congo a été attaqué chez-lui à Buholo 5, commune de Kadutu, dans la ville de Bukavu, par des personnes en tenue policière non autrement identifiées. Ceux-ci l’ont torturé et ont emporté tous les biens de la maison. Ils lui reprochaient d’avoir joué un rôle prépondérant dans la mobilisation d’autres jeunes à qui il a demandé de prendre part à un sit-in, le 05 janvier 2022, au palais de justice de Bukavu, en guise de la libération de deux militants pro-démocratie (Augustin Ntaitunda et Alfani Bawili) détenus au cachot du parquet depuis le 02 janvier 2022. En effet, en date du 02 janvier, les deux militants ont été arrêtés et détenus au cachot du parquet de Bukavu, pour avoir initié une pétition de désaveu social et politique contre le président du Sénat Congolais, monsieur Bahati LUKWEBO Modeste. Il importe de signaler que cinq autres membres de leur équipe étaient recherchés pour être arrêtés. Les collègues de Shukuru gardent de lui les souvenirs d’un militant et fervent défenseur des intérêts sociaux dans la province du Sud-Kivu.

5. Arrestation de 12 militants de la LUCHA à Butembo : Le 25 janvier 2022, accusés de « trouble à l’ordre public », 12 militants du mouvement Lutte pour le Changement (LUCHA) ont été arrêtés par les agents de la Police Nationale Congolaise   (PNC) et de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) dans la ville de Butembo. Ces militants se rendaient à la mairie de Butembo pour échanger avec le Maire au sujet du décès de leur collègue Ushindi, assassiné par la police lors de la manifestation du 24 janvier 2022 à Beni, ville voisine. Ils se préparaient également à se rendre à Beni pour rendre hommage à leur collègue et réconforter sa famille. Arrêtés, ils ont été conduits au cachot de l’ANR où ils ont passé une nuit et ont ensuite été transférés à la prison centrale de Kagwangura dans la ville de Butembo. Leur collègue, Jean-Pierre Kasma, a témoigné que ces militants ne manifestaient pas. Ils étaient plutôt habillés en T-Shirt de la LUCHA et portaient des badges avec effigie de leur collègue tué la veille. Sur leur route vers la mairie, ils ont été « ramassés » et conduits à l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) avant d’être jetés en prison. Ils ont été libérés deux jours plus tard, soit le 27 janvier 2022 sans condition aucune.

6. Arrestation des 2 activistes et poursuites contre 5 autres à Bukavu : Le 02 janvier 2022, Augustin Ntayitunda et Alfani Bawili, deux activistes des droits humains et militants pro démocratie au sein du collectif des mouvements citoyen Amka Congo, ont été arrêtés et gardés au cachot du parquet du Tribunal de Grande Instance de Bukavu. Pendant que ces deux militants ont été au cachot, cinq autres de leurs collègues pétitionnaires ont été menacés et recherchés. Il s’agit de Bertin Mbaka, Bamba Jean Galy, Furaha Makombe Pascasie, Bienfait Zihindula Tshimbamulume et Heri Kalemaza. Ils ont été poursuivis pour avoir initié une pétition de désaveu social et politique contre le Président du Sénat, Monsieur Modeste Bahati Lukwebo.

PPI a jugé cette arrestation arbitraire et illégale car initier une pétition contre quelle que autorité que ce soit est un droit constitutionnellement garanti. C’est ainsi que PPI a, à travers son pool d’avocats, assisté les deux militants arrêtés et s’est opposé à la tenue d’une audience en flagrance préparée contre eux le 05 janvier 2022, au Tribunal de Grande Instance de Bukavu. Ce qui ne serait qu’une instrumentalisation de la justice.

PPI a donc insisté et rappelé que la justice n’était pas compétente pour analyser une pétition, le législateur ayant complètement verrouillé, conformément à l’article 27 de la constitution de la République Démocratique du Congo, toute possibilité pour que la justice se saisisse ou qu’elle soit saisie de faits contenus dans une pétition. Arrêtés le 02 janvier 2022, Augustin Ntayitunda et Alfani Bawili ont été libérés le 05 janvier 2022, lors d’un sit-in convoqué par la jeunesse et les forces vives de la province réclamant leur libération sans condition et fustigeant l’instrumentalisation de la justice.

Il est à noter que Bahati Lukwebo est dit « Autorité Morale » du parti politique dénommé Alliance des Forces Démocratique du Congo et Alliés, AFDC-A en sigle, et que depuis l’accession au pouvoir de Monsieur Théo Ngwabidje Kasi, cadre de son parti, comme Gouverneur de la province du Sud-Kivu en 2019, plusieurs couches sociales crient à une mauvaise gestion de cette province. Le fait que ce gouverneur non seulement soit de l’AFDC-A mais aussi ait été désigné par Lukwebo pour diriger la province, fait que certaines personnes s’insurgent contre le mode de gestion de ce parti politique dont Bahati Lukwebo tient les rênes. Celui-ci est aussi accusé de ne donner de postes qu’aux seuls membres de sa famille biologique et politique. Une manœuvre qui, selon les pétitionnaires, ne vise qu’à enrichir quelques individus au détriment de la population qui attend, sans succès, l’amélioration de ses conditions socio- économiques.

Ces jeunes continuent à subir des menaces et craignent de finir comme leur camarade Michael Shukuru, retrouvé mort le 15 janvier 20222, soit 2 semaines plus tard, dans la ville de Bukavu.

7. Arrestation d’un militant de la LUCHA à Oïcha au Nord-Kivu : Siméon Muvunga, militant du mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA) section d’Oïcha, a été arrêté le 10 janvier 2022, par les services de sécurité alors qu’il sortait d’une émission débat de la Radio-télévision Muungano (RTM) d’Oïcha, dans le territoiure de Beni en province du Nord-Kivu. Le débat portait sur la question d’actualité concernant la mauvaise gestion au sein du Conseil Territorial de la Jeunesse (CTJ) Beni.

Les collègues de Siméon Muvunga ont indiqué que les responsables du CTJ de Beni auraient instrumentalisé les services de sécurité afin que leur collègue soit arrêté et jeté au cachot après les dénonciations de cette mauvaise gestion. Accusée de « trahison de la jeunesse également », le CTJ était sommé par les militants de la LUCHA qui, dans une déclaration rendue publique le 08 janvier 2022, avaient exigé que le comité démissionne endéans 48 heures. Deux jours plus tard, Siméon a été arrêté par des personnes en tenue de la police nationale congolaise et a été gardé au cachot d’Oïcha.

IV. Répression des manifestations

1. Dispersion d’un rassemblement à Goma : Le 22 janvier 2022, alors que les militants du mouvement citoyen Lutte pour le Changement, LUCHA, et d’autres jeunes de la ville de Goma étaient rassemblés dans le but de rendre hommage, au travers d’un deuil organisé, au nombre élevé de personnes assassinées, dénoncer l’insécurité grandissante dans la ville et l’inefficacité de l’administration militaire depuis l’instauration de l’état de siège en mai 2021, les forces de l’ordre les ont farouchement dispersés ; utilisant matraques et bombes à gaz lacrymogène. Des blessés ont été enregistrés.


2.Dispersion d’un rassemblement à Beni : Le 26 janvier 2022, les militants du mouvement citoyen Lutte pour le Changement, LUCHA, étaient rassemblés à Beni, au Nord-Kivu, pour pleurer leur camarade Ushindi Mumbere assassiné par les éléments de la PNC le 24 janvier 2022. Pendant qu’ils étaient en plein deuil, la police est arrivée et les a dispersés.

Condamnant une fois de plus avec la toute dernière énergie ces cas d’abus et violations de droits des défenseurs des droits humains (DDH), des journalistes et des médias en République Démocratique du Congo, l’organisation Partenariat  pour  la  Protection  Intégrée  (PPI)  formule  des  nouvelles  recommandations  ci-après,  tout  en reconduisant certaines qui n’ont jamais trouvé solution et qui demeurent importantes :

1. Au Président de la République de : Rendre professionnelles la police, l’armée et l’ANR telles que promis lors de son investiture comme Président de la République le 24 janvier 2019, afin que cessent toutes les menaces, bavures et comportement mal saint de la plupart des éléments de ces services au nom de la promotion et de la jouissance des droits universellement garantis ;

2. Aux députés nationaux : de voter la loi sur la dépénalisation des délits de presse et la loi portant protection des DDH en République Démocratique du Congo afin que les journalistes et les DDH soient à l’abri des violations des droits humains ;

3. Au gouverneur de la l’Equateur : De libérer les 5 militants détenus injustement à la prison centrale de Mbandaka depuis le 18 novembre 2022 ;

4. Aux services de sécurité à différents niveaux : de garantir la sécurité à tous les défenseurs des droits de l’homme qui sont sous menaces de mort tel que décrit dans le présent rapport ;

5. Au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) de se prononcer sur la fermeture de la Radio-Télé Sarah de Mbandaka en province de l’Equateur et aux instances judiciaires compétentes de lever, sans délai, cette mesure de suspension politiquement motivée afin de permettre à ce média de reprendre ses activités ;

6. Aux autorités politico-administratives et militaires du Nord-Kivu et de l’Ituri de comprendre que les DDH et les journalistes ne sont pas leurs ennemis et s’impliquer pour leur sécurisation, surtout en cette période spéciale d’état de siège dans ces deux provinces ;

7. Au tribunal militaire de garnison de Beni de libérer sans condition les 13 militants de la LUCHA arrêtés depuis le 11 novembre 2021 et détenus à la prison de Kangbwayi dans la ville de Beni ;


8. A la justice congolaise de rendre justice aux cinq (5) DDH assassiné.e.s au cours de ce mois de janvier 2022 et que des mesures garantissant la non répétition soient efficacement mises en place par les autorités congolaises.

Commentaire : Au total, PPI a documenté 441 cas de violations et abus des droits de défenseurs des droits humains en RD Congo, assortis de 14 assassinats. Dans ce graphique, en couleur rouge sont les mois au cours desquels les cas des violations enregistrés ont été assortis d’un ou plusieurs cas d’assassinat de DDH.

Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI) est une organisation de droit congolais à mandat
régional œuvrant pour la promotion de la paix et la protection des défenseurs des droits humains.

PPI a pour vision « Une communauté des défenseurs des droits de l’Homme totalement libres des persécutions et violations de leurs droits ».

PPI a pour mission de « Protéger les défenseurs des droits de l’Homme contre les menaces
individuelles et institutionnelles mais aussi renforcer leurs capacités et les équiper des outils de travail adaptés aux impératifs de la globalisation, et les former à maintenir une coopération
interinstitutionnelle entre société civile et acteurs étatiques pour la cause des droits humains,
paix et réforme institutionnelle ». www.ppi-ong.org


Ce feuillet de monitoring est l’un des outils de plaidoyer de PPI, ayant pour but de servir comme «répertoire » des cas des violations et abus afin qu’ils soient connus de tous et que tôt ou tard les auteurs soient interpelés et punis conformément à la loi. « A chaque période correspond son histoire », dit-on.

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