Protection International (PI) et Protection International Afrique (PIA) saluent l’arrêt de la cour militaire du Nord-Kivu en RD Congo qui vient d’annuler la condamnation des 13 défenseur·e·s des droits humains (DDH) du mouvement citoyen Lutte pour le changement « LUCHA » dans un procès en appel, ce 23 juin 2022.
La cour militaire a décidé d’annuler les sanctions pénales infligées contre les 13 DDH du mouvement LUCHA pour incompétence matérielle et par conséquent les renvoie devant des juridictions civiles compétentes.
Bien que ce verdict soit une lueur d’espoir et un pas en avant vers la libération de 13 DDH, nous déplorons le temps qu’ils/elles vont encore passe en prison en attendant la suite de leur dossier. Les défenseur·e·s n’auraient jamais dû être arrêté·e·s puis détenu·e·s pour avoir exprimés leur liberté fondamentale dans la non-violence.
Il convient également de noter que ces défenseur·e·s ont été criminalisé·e·s dans une province qui dispose d’une loi provinciale inédite pour la protection des défenseur·e·s des droits humains. Cette loi stipule en son article 5 : « en cas de poursuite, de recherche, d’arrestation ou de détention du défenseur des droits humains du seul fait de ses opinions émises, des actes par lui posé ou de ses publications dans le cadre de ses activités, les autorités provinciales et locales sont tenues de l’assister, d’exiger sa libération sans aucun préalable »[1].
Pour rappel, les 13 défenseur·e·s des droits humains ont été arrêté·e·s et détenu·e·s le jeudi 11 novembre 2021 alors qu’ils/elles organisaient une manifestation pacifique pour dénoncer les meurtres et massacres répétés de civils qui persistent malgré la proclamation de l’état de siège dans les Provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Ils/elles ont été ensuite condamné·e·s à 12 mois de prison ferme et au paiement d’une amende de 250.000 Francs congolais chacun·e par le tribunal militaire de garnison de Beni, le 1er avril 2022.
Depuis la déclaration de l’état de siège dans les deux provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, PI a enregistré l’arrestation de plus de 20 défenseur·e·s du mouvement LUCHA.Le droit de se défendre est limité et pénalisé au Nord-Kivu et en Ituri, et ces cas en sont la preuve. D’autres organisations ont décrit l’état de siège comme un outil destiné à « écraser la dissidence »[2] et à « étouffer les droits des personnes à se réunir pacifiquement, à s’exprimer librement et à accéder à une justice équitable »[3]. Il est déplorable que la RD Congo soit un pays où les défenseur·e·s des droits humains sont criminalisé·e·s pour leur travail. Un engagement au nom de la paix ne devrait pas être suivi de la prison.
Le 24 janvier 2022, LUCHA a accusé les forces de sécurité congolaises d’avoir tué Mumbere Ushindi, membre du mouvement LUCHA, lors d’une manifestation pacifique à Beni contre l’état de siège et l’emprisonnement des 13 défenseur·e·s du mouvement LUCHA[4]. Malgré les appels répétés des acteurs de la société civile à la justice congolaise pour qu’elle ouvre une enquête sur cette affaire, aucune procédure n’a été engagée pour identifier et traduire en justice l’auteur présumé du meurtre d’Ushindi.
Nous condamnons fermement la restriction de l’espace civique dans les provinces sous état de siège et encouragent les autorités congolaises, à tous les niveaux, à écouter attentivement les appels de détresse des activistes de la société civile et des citoyens. Ces 13 défenseur·e·s n’auraient jamais dû être arrêté·e·s. Manifester pacifiquement est un droit consacré et garanti par l’article 26 de la constitution de la RD Congo, et le droit de défendre les droits humains est universel.
Nous appelons les autorités congolaises à :
- Traiter ce dossier avec célérité et libérer sans conditions les 13 DDH du mouvement LUCHA ;
- Protéger les défenseur·e·s des droits humains et l´espace civique dans le pays, en particulier dans les toutes provinces soumises à l’état de siège, et à empêcher de tels actes de criminalisation contre l’activisme pacifique à l’avenir ;
- Respecter et renforcer la loi provinciale du Nord-Kivu pour la protection des défenseur·e·s des droits humains, et accélérer l’initiative de la société civile pour avoir une loi nationale pour la protection des défenseur·e·s des droits humains ;
- Demander instamment au Ministre congolais de la Justice, à la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et au Ministre des Droits de l’homme de mettre en place une commission conjointe chargée de mener une enquête sur l’assassinat du défenseur du mouvement LUCHA, Mumbere USHINDI.
Nous appelons la communauté internationale à :
- Plaider en faveur de la libération des 13 défenseur·e·s des droits humains du mouvement LUCHA ;
- Soutenir les initiatives de la société civile congolaise visant à doter la RDC une loi nationale pour la protection des défenseur·e·s des droits humains.