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Le Prix Nobel de la paix, Docteur Denis Mukwege a ouvert son speech par un diagnostic sévère des crises entretenues en République démocratique du Congo. Une crise lourde de conséquences qui affecte cinq provinces du Congo-Kinshasa. “Depuis presque 30 ans, la RDC est déchirée par des guerres d’agression à répétition et des cycles de conflits ayant entraîné une crise humanitaire majeure où les morts, les femmes violées et les déplacés se comptent en millions”, a-t-il introduit.

Malgré divers accords de paix, de Sun City à Lusaka en passant par Addis-Abeba et Nairobi, “la guerre n’a jamais cessé”, interpelle le Prix Nobel de la paix. Le gynécologue souligne que la République démocratique du Congo n’a pas été réellement pacifiée sur l’ensemble de son territoire et la violence armée se poursuit dans cinq provinces. C’est ici qu’il rappelle que l’occupation de Bunagana est douloureuse pour le peuple congolais. “Nous sommes donc toujours dans un contexte de conflit armé avec souvent une dimension internationale, comme illustre la énième agression au Nord-Kivu de la coalition M23- RDF (Forces rwandaises de défense), qui menace à nouveau la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du pays, dans une indifférence choquante de la communauté internationale, alors que Bunagana est occupée depuis plus de 3 mois”, a-t-il insisté.

La violence et la cruauté, des tremplins pour accéder au pouvoir en RDC

Mukwege hausse le ton et interpelle directement la communauté internationale. “Les diverses tentatives de recherche de solutions politiques à court terme ont favorisé le partage du pouvoir entre les belligérants. C’est ainsi que la violence et la cruauté sont devenues des tremplins pour accéder au pouvoir et obtenir des promotions”, a-t-il affirmé devant des sommités politiques et scientifiques réunies.

Le Nobel 2018 a ajouté que “les processus de brassage et mixage de groupes rebelles ont contribué à l’intégration de miliciens dans les forces de sécurité et de défense congolaises, plantant ainsi les graines pour une prolongation de l’instabilité en infiltrant l’ennemi au sein des institutions censées nous protéger”. Contexte difficile qui justifie l’échec de la Monusco à rétablir la paix, à protéger les civils et à stabiliser le pays, malgré des moyens humains et financiers colossaux, a-t-il dit. “Si nous comprenons bien le ressenti d’une frange de la population face aux résultats peu probants des Nations unies, force est de reconnaître que le partenariat avec les autorités congolaises n’a pas rendu leur mission aisée. Pourtant, nous invitons nos compatriotes à ne pas se tromper d’ennemi”, a fait observer le médecin de Panzi.

Le gynécologue invite le peuple congolais à ne pas se tromper de cible. “Nous pensons qu’il ne faut pas encourager un retrait non responsable et précipité de la Mission onusienne, car le vide que cela entraînera serait de nature à favoriser les ennemis de la paix”.

Le Rwanda et l’Ouganda, principaux acteurs de la guerre depuis 25 ans

Le pourrissement de la situation et la tragédie humanitaire qui en découle, s’expliquent en grande partie par le fait que l’on ne s’est jamais attaqué aux principales causes structurelles qui constituent les éléments moteurs des conflits qui persistent dans l’Est du pays, a déclaré le Prix Nobel de la paix lors de sa prise de parole à la Conférence de Charleroi en Belgique.

Mukwege désigne sans détour les véritables dessous des cartes de la très longue et tentaculaire guerre de l’Est. “Il s’agit avant tout de l’exploitation et la prédation illégales des ressources minières et naturelles. La guerre en RDC est principalement économique et s’apparente à une grande criminalité transnationale dont le Rwanda et l’Ouganda sont les acteurs principaux depuis 25 ans, avec la complicité de multinationales et de certains politiciens et militaires congolais cupides et corrompus”, dénonce-t-il. Il évoque l’établissement dans la région d’une culture de l’impunité pour les crimes les plus graves, lesquels alimentent la répétition des conflits et représente un obstacle sérieux à toute tentative de paix durable. “Pourtant, la justice a été systématiquement sacrifiée par tous les accords de paix”, se plaint-il. Mukwege rappelle que la RDC avait réussi à mettre fin à cette guerre en 2013. “Ainsi, nous avions réussi à mettre fin à la capacité de nuisance du M23 en 2013 mais aucune mesure de justice n’a rendu les commanditaires et les instigateurs responsables de leurs crimes, ce qui a entrainé le cycle actuel de violence provoquée par le M23 avec l’implication directe et indirecte de l’armée rwandaise”, a-t-il affirmé.

Parachever la transition entre la dictature et la démocratie et entre la guerre et la paix

Le temps est donc venu de briser le cycle infernal de la violence et de l’impunité pour sortir le pays du chaos organisé qui facilite le pillage des ressources dont regorge l’Est de la RDC et pour, dit-il, “parachever la transition entre la dictature et la démocratie et entre la guerre et la paix”, insiste Denis Mukwege.

“L’homme qui répare les femmes” ne se limite pas uniquement à la dénonciation évolutive de la crise sécuritaire de l’Est. Il en présente tout autant des pistes de solution durables. “Les solutions existent : elles passeront en priorité par 1. la restauration de la sécurité ; 2. la mise en œuvre de la justice transitionnelle et l’instauration de l’état de droit ; 3. la consolidation de la démocratie par des élections libres, crédibles et apaisées en 2023 et enfin 4. la transparence du commerce des minerais stratégiques”. Quatre piliers majeurs qui constituent ainsi le plan de sortie de crise du Docteur Denis Mukwege. “Il faut impérativement restaurer la sécurité et assurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire”, a-t-il exhorté.

Denis Mukwege trouve paradoxal que les décisions politiques du régime en place de décréter l’état de siège et de multiplier les partenariats militaires avec l’Ouganda et le Burundi et avec la nouvelle force régionale en gestation de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est dans le cadre du processus de Nairobi – aillent de pair avec une insécurité croissante à l’Est du pays.

Échec de l’état de siège et la force régionale, un danger de plus

Pour le médecin directeur de l’hôpital de Panzi, les récentes initiatives ayant conduit à des accords de coopération militaire tant bilatérale que multilatérale illustrent non seulement l’échec de l’état de siège mais aussi que les autorités de la RDC poursuivent une politique d’externalisation de la sécurité nationale à des forces étrangères, entrainant une sur-militarisation très inquiétante de la région. “Nous avons alerté à diverses reprises l’opinion tant nationale qu’internationale sur les dangers de recourir à cette stratégie de pyromanes-pompiers car chacun le sait : la majorité des pays voisins de la RDC et membres de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est qui vont déployer leurs troupes sur le territoire congolais, sont à la base de la déstabilisation, des cycles de violence et du pillage des ressources naturelles de l’Est du Congo depuis 25 ans. Il est déjà établi dans un rapport récent publié par le Groupe d’Etudes sur le Congo avec son partenaire de recherche Ebuteli que des intérêts économiques, commerciaux et géopolitiques expliquent en grande partie l’intervention de l’armée ougandaise à l’Est du Congo”, détaille le brillant docteur Denis Mukwege.

En outre, ajoute-t-il, à l’instar d’autres analystes, le Groupe d’Etude sur le Congo voit dans cette opération conjointe entre la RDC et l’Ouganda “un facteur d’irritation pour le Rwanda ayant déclenché une escalade des tensions rwando-congolaises. Ce contexte explique en grande partie la réapparition de la rébellion du M23, qui déstabilise à nouveau le Nord-Kivu et la sous-région, provoquant une nouvelle catastrophe humanitaire dans une région déjà martyre”.

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